L'Indigné du Canapé

La démocratie réelle, une utopie ? Des villes nous prouvent que non !

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En Espagne, ce sont deux femmes, élues du peuple, qui ont intégré les mairies huppées des deux plus grandes villes du pays, Madrid et Barcelone. Les deux maires, en poste grâce au raz de marée de la formation politique et citoyenne Podemos, sont des indignées, des femmes d’action qui ne « représentent » pas le peuple : elles sont le peuple.

Et quand on lit leurs programmes respectifs, on reste muet d’admiration, car on désespérait de revoir des élus proposer des programmes aussi sensibles, humains, justes. Des idées par le peuple mais surtout pour le peuple, oui, ça existe encore. Et même si on se dit que ça devrait aller encore plus loin, on est content de voir que la machine peut se mettre en route.

Lire aussi : Espagne : Concrètement des mairies Podemos, ça change quoi ?

Ce que l’on espère, c’est que malgré les scandales et les affaires que les journaux débusqueront pour décrédibiliser leur politique – ils le font partout où la justice et la liberté ont une chance d’éclore, tout en laissant le fascisme croitre à vue d’oeil -, leur politique saura convaincre les plus réticents.

Depuis les années 70 et la fin des Trente Glorieuses, le Pouvoir n’a eu de cesse d’asseoir sa domination non pas en élevant le peuple pour se grandir avec lui, mais en l’écrasant pour mieux le manipuler. Les mots « République » et « démocratie » sont utilisés à longueur de temps sur les plateaux télé, mais ils sonnent creux. En France, et on le voit tous les jours, la volonté de la majorité n’a que peu d’importance. Les présidents sont élus à la meilleure minorité (Quoi ? Le vote blanc ? L’abstention ? Connait pas….), les lois passent en force à coup de 49.3, les consultations citoyennes donnent bonne conscience mais ne sont pas écoutées, pas plus que les grèves et les manifestations…

Lire aussi : Mensonge, nous ne vivons pas en démocratie !

Et si ce n’était que la France ! Mais la France doit faire avec l’Union Européenne, qui prouve à chaque décision qu’elle n’a vraiment rien de démocratique non plus, totalement abandonnée qu’elle est à la toute puissance des lobbyistes et à la doctrine ultra-libérale incarnée par le FMI et la BCE.

Et pourtant. Et pourtant, dans des coins reculés bien moins exposés que Paris, que Madrid la Royale et Barcelone la Catalane, des villes prouvent depuis plusieurs décennies que la démocratie, la vraie, fonctionne à merveille à l’échelle du local.

La preuve en 3 exemples :

Vandoncourt : la démocratie, ça marche !

vandoncourt

Depuis 1971, le village de Vandoncourt dans le Jura expérimente la vraie démocratie. Sorte d’enclave libertaire dans la région de Proudhon et dans un pays des Droits de l’Homme où les SDF sont de plus en plus nombreux, la commune de Vandoncourt vit au rythme des réunions publiques, des débats et des référendums.

Dans ce village de 800 habitants situé à la lisière de la frontière avec la Suisse, le maire et sa municipalité sont en charge des affaires courantes, mais aucune décision d’importance n’est prise sans la consultation préalable de tous les citoyens de la ville : c’est cela, la vraie démocratie participative. C’est cela, être un citoyen !

En réalité, c’est même en invoquant l’autogestion qu’au début des années 70, une bande de jeunes emmenée par Jean-Pierre Maillard-Salin, un jeune retraité de l’Éducation nationale, a remporté les élections municipales. Le but était que chacun se prenne en charge. L’équipe municipale était donc principalement chargée de recueillir les envies et doléances des habitants. Ensuite, de grandes réunions publiques étaient organisées, et tout le monde pouvait y participer et y faire entendre une voix, même discordante ! (pas comme dans les consultations publiques). Ainsi, la grande majorité de la population était (et est) associée aux grandes orientations prises par la ville.

C’est toujours comme cela que fonctionne Vandoncourt aujourd’hui. La vie démocratique s’organise autour des Conseils (le conseil des 13 membres élus, le conseil des jeunes, celui des anciens et celui des associations). Ils rassemblent une soixantaine de personnes qui se réunissent tous les ans et représentent le pouvoir exécutif de la ville.

Mais ce pouvoir exécutif citoyen n’est pas seul à décider : 7 commissions thématiques (scolaire, budget, technique, développement économique, sociale, fêtes et cérémonies, environnement) ouvertes à tous les habitants sont constituées. Elles définissent des besoins, des priorités et de potentielles solutions à apporter et les font remonter aux Conseils. Même le budget et les finances de la ville sont confiées à des élus ET à des non-élus.

Dans les faits, la ville fourmille d’idées et d’activités, grâce à ses 28 associations et à ses projets toujours plus ambitieux qui ne manquent jamais de bénévoles. L’investissement grandit quand on se sent réellement acteur et moteur de son village ! Ainsi, de nombreux acteurs impliqués et de nombreux contre-pouvoirs assurent à la ville de Vandoncourt un fonctionnement réellement démocratique, autogestionnaire et populaire.

Voilà une solution simple et totalement logique pour créer une vraie et belle vie démocratique dans une ville qui semble avoir tout compris ! Un schéma qui serait en plus facilement reproductible. On commence quand ?

Marinaleda

Casares-Andalusia

Marinaleda est une petite ville espagnole de 2700 habitants qui vit au rythme intéressant du travail coopératif et solidaire, au moment où tout le pays subit les violences inhérentes à l’ultra libéralisme capitaliste.

En 1980, Marinaleda était un village rural, en ruines et c’est grâce à un long bras de fer de tous les habitants face à un riche propriétaire terrien de la région (aristocrate du régime franquiste) qu’ils ont réussi à l’exproprier pour récupérer leur lieu de travail : des terres.

Depuis cette époque, toutes les terres ont été collectivisées et mises sous le régime de la coopérative. A Marinaleda, qu’on soit agriculteur, ouvrier ou qu’on travaille dans les bureaux, tout le monde touche le même salaire. Mais comment ces exploits sont possibles ? Grâce à l’organisation politique, pardi. C’est en 1979 que que les villageois décident de présenter leur propre liste de travailleurs aux élections, car ils considèrent que la mairie ne les représente pas.

Depuis 1979 donc, dans le petit village espagnol, la vraie démocratie est en marche. La plupart des décisions sont prises collégialement, tous ensemble. Une grande salle est dédiée à ces délibérations démocratiques. Toutes les décisions concernant le village, la politique, les budgets, les impôts, la coopérative, etc., sont discutées et votées lors d’assemblées générales, auxquelles tous les villageois peuvent participer.

Les décisions ne sont pas adoptées à la stricte majorité (50% +1) : pour le maire de Marinaleda, si elles ne sont pas soutenues par 80-90 % des votants, c’est qu’elles ne sont pas représentatives de l’ensemble de la population. D’ailleurs, les élus de la ville n’ont qu’un rôle administratif. Ils ne sont pas payés pour leur tâche politique. Ils font simplement en sorte que tous ensemble, ils arrivent vers ce que la population envisage. C’est cela, la vraie politique.

Non, tout n’est pas rose à Marinaleda. L’équilibre est fragile, et tant la transition générationnelle que la difficulté d’être un ilot utopique entouré d’une réalité ultra-libérale très violentes démontrent combien il faudra être fort pour que Marinaleda perdure tel qu’actuellement.

Mais ses 30 ans d’existence (déjà) prouvent déjà et à jamais que oui, la démocratie directe et réelle est possible, dans l’ici et le maintenant, même dans une communauté de plusieurs milliers de personnes !

Saillans

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Depuis les élections municipales de 2014, les habitants de Saillans vivent une expérience unique : ils FONT de la politique. Ils n’ont pas voté pour quelques élus qui décideront du sort de leur territoire à leur place. Non, ils vont DÉCIDER pour eux-mêmes ! En effet, avec 79% de taux de participation au premier (et unique) tour lors des municipales dans cette petite ville de 1199 habitants, une liste collégiale et participative portée par un groupe de citoyens a été élue avec 57% des voix.

Et depuis, ce sont des citoyens élus et révocables ! Comme à Vandoncourt, les groupes de travail citoyens ont créé des commissions thématiques pour couvrir toutes les questions et problématiques inhérentes à leur ville. Puis ils se sont mis à l’ouvrage.

Les 7 commissions thématiques (animées par des binômes) censées faire remonter les doléances des citoyens aux citoyens élus sont animées par plus de 200 habitants. Toutes les indemnités sont réparties équitablement en fonction du temps investi. La quarantaine d’associations de la ville est également sollicitée pour animer la vie locale et relayer les actions et les informations.

Enfin, pour les décisions importantes, les citoyens élus veulent mettre en place des référendums : l’expérience étant encore toute jeune, tout reste adaptable et modifiable.

Une fois encore, les difficultés sont là, surtout vers l’extérieur : expérimentant un modèle nouveau, les élus de Saillans vivent parfois des mises à l’écart de la part des autres mairies, qui ne considèrent pas ces « élus-là » comme de « vrais » élus.

Le travail va être encore très long pour dépoussiérer les esprits « Vème république », trop habitués à élire sans se poser plus de questions et complètement déconnectés du sens de la vraie démocratie participative…

Pour que la démarche ait du sens, il faut qu’elle continue à mobiliser un maximum de citoyens, et qu’elle reste claire et transparente. 

Lire aussi : Se laisser entrainer sur les sentiers de l’utopie

Ce qui est sûr, c’est que la participation et l’action font peur, notamment aux personnes un peu trop (mal) habituées aux anciennes méthodes, pleines de sourires cajoleurs, de chemises repassées, de bon mots et de projets imposés, mais sans aucune sollicitation pour savoir si le projet était bon ou pas. La politique politicienne des apparences, quoi !

Mais qu’on se le dise : ce n’est plus à cela que doit ressembler la politique démocratique d’un pays démocratique. Le mot « démocratie » mérite mieux.

Au même titre que les ZAD et que les communautés autogérées ou anarchistes, ces villages de démocratie réelle doivent fleurir partout et créer un tissu de solidarité capable de mieux résister aux attaques de l’ultra-libéralisme. Le municipalisme libertaire – concept créé par Murray Bookchin – doit nous inspirer dans notre démarche anticapitaliste pour plus de droits, plus de liberté et de justice, plus d’autonomie !

Récupérons notre droit à faire de la politique, notre droit à être solidaire, notre droit à être bons. Récupérons nos rues, LA rue. Redevenons des citoyens !

 

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Source : Wikipédia, rue89, Bastamag, matricien.org

1 seul commentaire

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  • A part râler sans s’intéresser à la science politique, aux mécanismes de la société, à la complexité du vivre ensemble, à une autre vision que celle manichéenne, à la com’ etc.. Je ne suis pas certain qu’homo fainéantus soit prêt à rentrer dans le vif du sujet.

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