La France est-elle vraiment réactionnaire, raciste, inculte ? Est-elle condamnée à suivre la voie des USA ou de l’Allemagne, « d’ubériser la société » et de détruire les systèmes d’entraide à l’avantage de quelques-uns, ces 1% parasites ? Peut-on tirer ces conclusions simplement parce que Macron et surtout Marine Le Pen (dont le parti, le FN, est arrivé en tête des deux derniers premiers tours d’élection) font la Une des médias et semblent en tête des intentions de vote ?
Quelle est la part de responsabilité des médias justement, mais aussi des partis politiques dans leur ensemble au triomphe de la médiocrité, de l’agressivité, de la haine et du repli sur soi, camouflés en « réalisme », en « pragmatisme », en « austérité », en « réformisme » et surtout en pure démagogie électoraliste ?
Beaucoup de journalistes, de chroniqueurs, de « spécialistes » ont tenté d’expliquer ce phénomène par l’argument de la « post-vérité ».
La politique serait donc entrée dans l’ère de la post-vérité. Cela voudrait dire que la « vérité » – le cadre imposé des arguments étayés et des démonstrations logiques – est moins efficace électoralement parlant que l’argument de l’anti-système, qui buzze, qui clashe et qui séduit les bêtes électeurs, et que c’est pour cela que des Trump et des Le Pen ont le vent en poupe. Et que les autres partis, dominés statistiquement par ces personnalités plus occupées à défrayer la chronique sur des mensonges qu’à défendre des causes idéologiques « vraies », se sentent forcés de leur emboîter le pas.
Penser cela, comme le font les journalistes, c’est littéralement prendre les électeurs et les citoyens en général pour des animaux idiots. Sous prétexte qu’ils ne trouvent pas la « vérité » (érigée comme telle par les médias) dans les discours de Sarkozy, Hollande Valls et Fillon, ils sont donc plus aptes à voter Le Pen voire Mélenchon.
Les médias, en première ligne de la nullité politique ?
Mais on est en droit de penser que la cause du succès des idées les plus imprévues n’est pas à chercher dans les erreurs des politiciens, mais dans celles des médias. Car aujourd’hui, ce sont eux qui font le pouvoir. C’est à travers les médias que les politiciens tentent d’exister, ou pas. Alors, il faut se demander comment et pourquoi les journalistes font triompher (parfois même à leur insu) les idées les plus réactionnaires.
Euh… Tout simplement parce que les médias sont eux aussi le symbole de tout ce qu’il y a de plus réactionnaires. BHL, Ockrent, Attali, Giesbert, Barbier, les « experts » médiatiques tournent sur nos chaînes d’infos depuis 15, 20 ans, et professent sans arrêt les mêmes idées. Pas étonnant, puisque la plupart, censés être impartiaux, objectifs, « scientifiques », sont payés par de grands groupes financiers pour aller professer la bonne parole.
Objectifs, vous dites ? Non non, ils sont juste là pour que rien ne change. Et pour que rien ne change, il suffit de fixer un CADRE (oui, le mot cadre est important) au débat et de ne rien en faire sortir.
Lire aussi : Les ânes ont soif : les médias fonctionnent à sens unique (con)sciemment !
C’est aussi pour cela que malgré leurs échecs répétitifs, les médias ne veulent pas (peut-être même qu’ils ne peuvent pas) se remettre en question. Aucun ne se dit : « Tiens, et si on allait voir ce qu’il y a au-delà du cadre ». Aucun. Cela est aussi dû à une nouvelle pratique journalistique : le fact-checking ; puisqu’on a vérifié tous les faits et qu’on peut dire lesquels sont vrais ou faux au sein de notre cadre idéologique, on a tout fait. Mais cette pratique détruit toute la valeur idéologique de la politique.
Pour changer le cadre, changer les éditorialistes et les politiciens
La politique, c’est le vivre ensemble, le bien commun, l’horizon du mieux. Et cela ne se quantifie pas en analysant des faits et en faisant des comptes d’apothicaire. Cela se recherche, cela se construit, cela s’invente, avec vie et utopie ! La démocratie ne doit pas devenir de la gouvernance (et de l’alternance), cela doit rester une affaire d’idées politiques, pour élever la vie de la cité et des citoyens.
Lire aussi : La contre-démocratie, ces luttes pour corriger le manque de « démocratie »
Mais ce débat politique – au sens idéologique du terme – est totalement empêché par les médias. Comme je l’explique souvent, on n’entend jamais parler sur une grande chaîne à une heure de grande écoute de décroissance, d’anarchie, de marxisme, d’écologie radicale, de post-modernité, etc. Tout cela est hors cadre. Les médias ne font pas leur travail de documenter, d’expliquer de relayer les alternatives politiques ; on a juste droit à des politiciens qui disent « être l’alternative », alors que c’est totalement faux.
Tout ce qu’il est acceptable de discuter sur un plateau télé, c’est de 32, 35 ou 39h, de la retraite à 62 ou 65 ans, du SMIC à 1050 ou 1200 euros, de plus ou moins d’impôts, de plus ou moins de taxation des grandes fortunes, de plus ou moins de taxe carbone… Bref, on tourne en rond, ce qui explique que ce que dit un Fillon, un Chirac le disait exactement pareil il y a 30 ans. Que la position de Macron, c’est plus ou moins celle d’un Bayrou, etc. Et que les mêmes élites médiatiques commentent ces mêmes discours politiques, une génération plus tard. Il y a de quoi devenir fou !
C’est cela, le journalisme post-politique selon Lordon. Un véritable cadenassage des idées de la part de quelques chiens de garde inamovibles. Ce jeu est censé faire le jeu des partis du pouvoir, le PS et LR. Pour aller plus loin :
Les gens n’en peuvent plus de l’élitisme et de la condescendance. Les gens ne sont pas bêtes, nous ne sommes pas bêtes. Nous contestons le cadre politique (la Vème république par exemple), le cadre économique (la loi de marché, la mondialisation) ou encore le cadre médiatique, qui bâillonne la parole réellement alternative (et pas Zemmour hein, vous l’aurez compris).
En réalité, vous l’aurez compris, changer le cadre et donc les structures de notre société, cela ne revient pas à interchanger les hommes, qu’ils soient grands patrons, politiciens, ou journalistes télé. Il faut réellement changer notre système économique, duquel découle toutes ces dérives : la médiocrité, de l’agressivité, de la haine et du repli sur soi, et tant d’autres !
Vous pouvez aussi suivre les réflexions de L’Indigné du Canapé sur Facebook et Twitter ! Ou encore vous abonner à la newsletter (NOUVEAU) !
Cet article s’appuie sur un article dans Le Monde Diplo de Frédéric Lordon et l’analyse (visible dans l’article) du YouTubeur Le Stagirite.
Laissez un commentaire