Lui, il trouvait la liberté dans la musique, avant. Aujourd’hui, il semble avoir la tête sur les épaules mais son cœur est à l’air. Elle, elle a du mal à gérer son identité. Elle se pense libre, mais confond liberté et égoïsme. Elle a un creux dans l’âme qu’elle tente maladroitement de combler. Eux, ce sont deux jeunes amants, Français, aimants.
Ils ont tout les deux un passé qui les lie à l’Algérie. Lui, petit-fils de Pieds noirs, chassés pendant la guerre, certainement. Elle, fille d’immigrés. Il lui propose la grande vadrouille, la débrouille et l’aventure jusqu’à la terre de ses ancêtres, qu’il veut connaître. Elle ne le prend pas au sérieux, n’a aucune envie de se projeter dans ce pays lointain qui lui paraît inhospitalier.
Ils finissent par partir. Sur leur route, l’apprentissage du dénuement, des rencontres, des leçons. Et la musique, toujours, partout, comme un fil rouge. Cet art brut qui a lui seul prouve que oui, la liberté existe, mais elle est beaucoup moins futile qu’on ne le croit, beaucoup moins facile, beaucoup plus noble.
Elle, la fausse libre, va beaucoup apprendre sur elle. D’une danse débridée à une danse mystique, il n’y a qu’un pas. Lui va prendre conscience de ce que c’est que d’être fils, petit-fils. De l’héritage culturel et symbolique que cela induit. Qu’est-ce qui construit nos identités ?
L’identité, comme une entrave à la liberté
Il faut peut-être quitter son nid pour savoir qui l’on est vraiment et devenir adulte ? C’est la question que pose le réalisateur Tony Gatlif. Ce qui est sûr, c’est que la réflexion qu’il pose sur la liberté laisse songeur. Nous, Occidentaux qui avons tout, nous nous croyons libre, mais notre liberté (morale, sexuelle) est bien peu de choses quand on voit les barrières que nous avons dans la tête.
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La question de l’identité se pose aussi. Dans le film, même si c’est en filigrane, on voit bien qu’en France, la question des origines – que les médias et les élites politiques et culturelles lient à l’envi à l’immigration – pose problème chez les individus qui se retrouvent parfois (souvent ?) mal dans leur peau, car nulle part à leur place.
La France est un beau pays, à l’histoire riche, aux enfants de toutes les couleurs. C’est triste, beaucoup ne l’ont pas encore compris, et les amalgames de ces « élites » censées montrer l’exemple sont de plus en plus choquantes… Mais passons.
Ces origines multiples qui composent la France du XXIe siècle questionnent la plupart d’entre nous. Comment vivaient mes parents, dans le sahel de Tunisie ou en ex-Yougoslavie ? Comment vivaient mes grands-parents, dans les froides montagnes pyrénéennes ou sous la dictature au Portugal ?
Selon notre culture, nous savons plus ou moins bien d’où nous venons et avons plus ou moins envie de renouer avec ces racines. Le film Exils nous invite à faire le chemin grâce à deux personnages assez complexes, notamment la demoiselle, interprétée par une convaincante Lubna Azabal. Pourtant, la mention spéciale revient à Romain Duris qui compose avec brio un jeune homme plein de manques.
Pèlerinage ? Exil ? Dans ce film sans frontière, sans but avoué et sans fin réelle, on voyage avec eux, notre conscience en bandoulière, et on finit sonné. Car enfin, on le savait mais il fallait en avoir le cœur net : la seule liberté réelle est en nous, et c’est en ayant l’exigence nécessaire pour y accéder qu’on apprend à transcender toutes les identités et à aimer vraiment, à vraiment s’aimer !
Et si tous les hommes pouvaient apprendre à aimer vraiment, à vraiment s’aimer, imaginez un peu dans quel monde libre et sublime nous pourrions vivre.
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