12 Years a Slave n’est pas un film qui se regarde confortablement en sirotant un jus de goyave (ou d’ananas, le goût importe peu). Ce film ultra-réaliste signé Steve McQueen est dur comme le soleil qui tape dans les champs de coton au Sud des États-Unis, et sec comme les insoutenables coups de fouets reçus par les esclaves.
En un mot, ce long-métrage nous parle d’injustice. Mais un mot, c’est un peu court, alors voici le synopsis de 12 Years a Slave, qui rappelons-le, est basé sur une histoire vraie (la biographie de Solomon Northup) :
« Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie. »
Difficile d’éviter de comparer 12 Years a Slave avec Django Unchained, sorti un an plus tôt et réalisé par Quentin Tarantino, puisque les deux films abordent la même thématique : l’esclavage. Mais ce n’est pas parce que vous avez aimé le premier que vous aimerez le second.
Tandis que Tarantino, fidèle à lui-même, place ses personnages en héros et crée des mises en scènes grandiloquentes, Steve McQueen joue sur la corde sensible et nous offre une fresque historique soignée. Si vous vous attendez à des coups de feu dans tous les coins et à une B.O. signée Kanye West ou Jay Z, n’allez pas voir ce film.
Le thème de l’esclavage a ici droit à un traitement intime et à une mise en scène très proche la réalité qu’on imagine de l’époque, serait-on tenté de dire. Chiwetel Ejiofor est évidemment la révélation du film. Il joue son personnage de Solomon avec une vraie contenance, un vrai dévouement, sans nous emmener sans arrêt sur le terrain des larmes, véritable poncif des productions américaines.
Michael Fassbender est l’autre grand Monsieur de la pellicule, parfaitement détestable dans la peau d’Edwin Epps, un négrier alcoolique et violent. Considérant les Noirs comme de vulgaires produits de consommation, il est capable de préférer sa meilleure ouvrière à sa propre femme comme de se débarrasser de ses travailleurs les moins efficaces sans le moindre remords.
Un bémol ? Peut-être un petit, oui. Car Edwin Epps mis à part, quasiment tous les Blancs du film semblent bien inquiets quant au sort réservé aux Noirs. Ils semblent tous être pour la fin de l’esclavage. Quand on sait que le film se situe avant la Guerre de Sécession et que dans les années 1960, l’égalité entre Blancs et Noirs n’était pas encore évidente aux USA… On doute !
Malgré tout, ce film est une vraie immersion dans les plantations du grand Sud états-unien et en ces temps maussade, ce petit bout d’Histoire vaut un déplacement au ciné du coin !
« quasiment tous les Blancs du film semblent bien inquiets quant au sort réservé aux Noirs »
Pourquoi ne serait-ce pas réaliste et, surtout, en quoi cela dédouane-t-il les Blancs ? Pour moi, c’est l’inverse. On évite ainsi de tomber dans l’idée que les esclavagistes étaient d’absolus fous sadiques sans la moindre mesure, et qu’il suffirait donc de les éliminer pour que tout soit résolu. C’est quand on voit que même des gens qui éprouvent un réel malaise vis-à-vis de la situation ne font rien du tout pour la changer que l’on décèle la profondeur et la gravité du problème, et à quel point nous sommes tous complices et coupables, malgré nos meilleurs sentiments.
Il y a, de plus, un profond fossé entre les tortures qu’on voit infligées aux esclaves dans ce film, et l’idée d’une réelle égalité Blancs-Noirs. On peut très bien se situer à divers degrés du spectre, et démontrer un « racisme à visage humain ». Il ne doit pas nous tromper sur le fait qu’il s’agit toujours bel et bien de racisme.
Bonjour Jeanne et merci pour le com
Je n’ai surtout pas dit que cela dédouanait les Blancs. J’ai juste dit que cela n’était pas très réaliste et du coup assez dommage quant au postulat de départ du cinéaste.
Votre avis rejoint tout à fait le mien. Quand on voit les USA (et c’est pareil dans tous les pays, on le voit encore en Suisse tout récemment ou à travers les diverses guerres de religion à travers le monde), on voit bien que les problèmes de racisme ne sont pas encore effacés. Je vous invite à lire cet article sur le racisme culturel : http://www.indigne-du-canape.com/le-racisme-culturel-le-danger-a-combattre/
A bientôt 🙂