L'Indigné du Canapé

Pourquoi les lobbies écrasent la campagne de Médecins du Monde

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« – Avec l’immobilier et le pétrole, savez-vous quel est l’un des marchés les plus rentables ? »
« – La maladie »
Médecins du Monde

Je l’ai déjà dit. Je le répète : les labos pharmaceutiques vendent la mort et l’addiction. Pas la vie et la guérison.

On m’a déjà dit que j’exagérais, que j’allais trop loin, que je voyais le mal partout. Certes, mon affirmation n’était pas le fruit d’une enquête poussée, mais plutôt une analyse logique de notre système qui transforme tout en ne considérant les choses viables qu’à travers le prisme de l’économie.

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Et c’est maintenant une campagne publicitaire choc signée Médecins du Monde qui vient réveiller les inconscients, ceux qui accusent les autres d’être des bien-pensants quand eux passent leurs journées à considérer ce système comme « formidable ».

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Depuis 2011, l’ONG Médecins du Monde alerte sur l’aggravation des inégalités – notamment celles liées à la santé – en France et dans le monde avec la campagne « La santé n’est pas un luxe ». Le 13 juin 2016, l’ONG devait aller plus loin en lançant une campagne publicitaire choc dénonçant les prix exorbitants de certains médicaments, et dénonçant aussi (indirectement) les industries et labos pharmaceutiques les produisant. Ô surprise, dans notre monde libre et juste… la campagne a été censurée !

Médecins du Monde a donc décidé de lancer sa campagne en indépendant, sur le web. Et ça marche fort. On voit ces affiches partout et c’est tant mieux !

Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire en oligarchie

« Bien placé un cancer peut rapporter jusqu’à 120 000 euros »

« Une leucémie, c’est en moyenne 20 000% de marge brute »

« Une épidémie de grippe en décembre, c’est le bonus de fin d’année »

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Le Leem, syndicat professionnel des industriels du secteur de la pharmacie, a évidemment réagi à ces phrases « coup de poing » en dénonçant les « propos outranciers et caricaturaux tenus par Médecins du Monde » :

Imaginer que les entreprises du médicament spéculent sur l’aggravation de certaines maladies comme le cancer du sein n’est pas seulement injurieux pour les industriels, c’est également particulièrement choquant et irrespectueux pour les millions de personnes qui se battent quotidiennement contre la maladie. […] L’arrivée d’innovations thérapeutiques majeures dans le domaine des maladies infectieuses ou en oncologie est avant tout une bonne nouvelle pour les patients.

La communication de Médecins du Monde s’est défendue de toute surenchère et explique s’être appuyée sur des études précises pour les chiffres qu’elle donne. Elle explique par exemple :

La mise sur le marché du Sofosbuvir, le premier des antiviraux à action directe efficace contre l’hépatite virale C, a agi comme un révélateur des dysfonctionnements en matière de production et de fixation du prix des médicaments. Le traitement de douze semaines est en effet vendu 41 000 euros par patient alors qu’il ne coûterait que 100 euros à produire selon une étude du chercheur Andrew Hill.

De la même manière, toujours selon Médecins du Monde, le Glivec (traitement contre la leucémie), est vendu 40 000 euros par an et par personne tandis qu’il coûterait seulement 200 euros environ à produire. Le Keytruda, traitement contre le mélanome, est annoncé à un prix de 100 000 euros par an et par patient… Et ce ne sont pas les seuls exemples.

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Évidemment, la sécurité sociale prend en charge une partie des dépenses, et la mutuelle le reste – pour ceux qui ont les moyens de s’en payer une – mais pour combien de temps encore ? La conclusion de cette analyse du fonctionnement libéral de la santé, c’est que quelques labos privés mettent en péril le fonctionnement (encore) solidaire de la santé en France. Comme toujours avec le libéralisme économique, les plus puissants – économiquement parlant – profitent du système pour privatiser les bénéfices et socialiser les pertes. Indécent.

Il faut savoir que le système fixant le prix des médicaments se fait entre industriels, sans présence requise ni de professionnels de santé, ni d’usagers des futurs médicaments ni de représentant de l’État…

Cette vérité est importante à dire, non ? Ces affiches choc de Médecins du Monde mériteraient de lancer un vrai débat sur la place publique, une vraie réflexion politique doublée d’actions puissantes, et rapides, en faveur de la transparence et d’un encadrement des coûts des médicaments, pour que la mutualisation des dépenses soit supportable par tous et bénéfique à tous.

Mais plutôt que de les mettre en valeur, on préfère les censurer.

Une censure indécente

Les 10 affiches de Médecins du Monde ont été refusées à l’affichage dans les métros et les rues par les gestionnaires de panneaux publicitaires : JCDecaux en tête, mais aussi MediaTransports et l’Insert. Leurs arguments ? Des affiches aux slogans trop agressifs. Mais agressifs pour qui ? Pour les labos pharmaceutiques et leurs riches propriétaires et actionnaires qui voient ainsi leur petit jeu démasqué, où pour tous les malades qui s’endettent – et qui endettent notre système de santé – pour se soigner ?

Cette logique de solidarité entre puissants rappelle étrangement le coup de com’ du gouvernement suite au bris de quelques vitres à l’hôpital Necker : qui est-ce qui « détruit » l’hôpital ? Les quelques casseurs qui ont agi bêtement (assurément), où l’État, qui supprime 22 000 postes dans la santé et réalise une coupe budgétaire de plusieurs milliards dans les hôpitaux ?

Et comment l’État peut-il laisser faire ces pollueurs visuels de l’espace public, dans une France qui crie à tort et à travers qu’elle est Charlie et qu’elle tient à la liberté d’expression comme à la prunelle de ses yeux ?

L’indignation est sélective, et la télé polarise trop souvent l’opinion publique du côté de l’indignation de façade, dénuée de toute revendication politique…

Ne soyons pas aveugles, ne restons pas muets face à ces agressions constantes des structures dominantes de la société : ces méfaits ont beau être perpétrés par des gens bien nés, avec costard sur-mesure et élégante communication, ils n’en restent pas moins infiniment plus violents que ces affiches qui dénoncent ou que ces casseurs qui détruisent quelques vitres au nom d’un ras-le-bol général.

 

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Sources : Médecins du Monde, Le Monde, Libération

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