Lire de la science-fiction, c’est bien. Une ouverture d’esprit salvatrice. Une préparation mentale à des possibles, à des imaginaires qu’on aimerait (parfois) ne jamais vivre.
Mais comment fait-on lorsque la réalité dépasse la fiction ? A quoi se raccroche-t-on ? Car les grands classiques de science-fiction politique – Le Meilleur des Mondes, 1984, en tête – nous contait il y a plusieurs décennies un monde horrible… qui ressemble quand même franchement à ce que l’on vit aujourd’hui, dans nos sociétés dites « civilisées ».
Dans ce contexte, Le Rire du Grand Blessé de Cécile Coulon est un livre à lire. Agréable et propice à une certaine réflexion. En voici mon synopsis :
Un pays imaginaire. Grâce à la psychanalyste Lucie Nox, le Service National a trouvé le moyen de garantir l’ordre social : Les livres officiels. Les Lectures publiques de ces livres deviennent l’outil de manipulation numéro 1, provoquant de véritables scènes d’hystérie chez le peuple. Afin d’encadrer ces manifestations, des Gardes analphabètes sont formés par le Système. D’origine modeste, 1075 est l’un d’eux. Le meilleur même. Mais un événement imprévu va faire basculer sa vie et remettre en question le Système…
Dans un monde totalitaire où c’est la lecture qui anesthésie les peuples, les élites ont réussi leur coup. Évidemment, la littérature de l’ancien monde a disparu. Les seuls livres officiels se déclinent selon l’émotion qu’ils provoquent chez les lecteurs.
Afin d’éviter tout débordement, la société se divise en 3 castes :
- Le Peuple : d’un côté, les pauvres paysans de la campagne, analphabètes et complètement déconnectés de la société. De l’autre, ceux de la ville, parfaitement contrôlés et rendus dociles par les livres officiels et les « Manifestations à hauts risques. »
- Les Agents : souvent recrutés parmi les enfants de la campagne, ils sont parfaitement analphabètes. Triés sur le volet, les Agents sont de véritables compétiteurs surentraînés, chargés de surveiller la foule lors des « Manifestations à hauts risques » auxquelles ils sont parfaitement insensibles.
- Le Pouvoir : incarné par le Grand, qui est à la tête du Service National. On y retrouve aussi Lucie Nox, psychanalyste devenue légendaire lorsqu’elle découvrit que l’on pouvait manipuler les masses grâce aux émotions provoquées par les livres.
C’est dans ce contexte que l’on suit 1075, ancien paysan devenu l’un des agents les plus disciplinés du système. Dur sur l’homme, volontaire, 1075 ne se pose aucune question et fait en sorte que chaque chose soit à sa place. Il est garant de la bonne marche de la machine.
Mais comme dans tout système, il suffit d’un grain de sable pour tout enrayer. La rencontre entre le Dr Nox – créatrice malheureuse du projet sur lequel repose désormais la société toute entière – et l’Agent constitue le paroxysme de l’histoire. Mais chut ! Il ne faut pas trop en dire.
Le livre n’a qu’un défaut, il est trop court. C’est assez compliqué de plonger corps et âme dans un ouvrage de science-fiction lorsqu’il n’y a pas suffisamment de détails pour que l’on comprenne précisément les mécanismes qui régissent la société (d)écrite. Mais c’est peut-être un parti pris de la part de Cécile Coulon. En prenant la chose ainsi, on peut aussi apprécier le fait que l’histoire aille droit au but, sans s’embarrasser de fioritures.
Le livre nous présente une belle critique d’une société où le divertissement et l’amusement outranciers pervertissent et finissent par condamner la liberté. Le Rire du Grand Blessé, c’est un petit livre sympa à découvrir, d’autant plus lorsque l’on apprend que l’auteure a sorti ce livre – son 5e – à 23 ans !
Belle performance de cette jeune femme qui est peut être une sympathisante Indignée ! On l’espère. Bonne lecture !
Photo : DR
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Trop court, en effet.
Héhé, contente que le livre t’ai plu et même inspiré un article !
Je suis d’accord, il est trop court. Comme tous les livres qui recréent un nouveau monde, on a envie d’en savoir plus une fois qu’on a pris le temps de comprendre le fonctionnement.
Et aussi, je m’étais trompée en disant que c’était son premier bouquin, heureusement que tu vérifies bien tes infos 😀
A toi de me prêter un livre !