L'Indigné du Canapé

Espagne : Concrètement des mairies Podemos, ça change quoi ?

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En 2015, le parti citoyen Podemos a glané les deux mairies les plus importantes d’Espagne : Madrid et Barcelone.

Cette victoire aux municipales n’a pas encore le résonnement d’une éclatante victoire législative ou présidentielle, mais elle a pourtant une saveur toute particulière. Déjà parce qu’elle met fin au bipartisme tant aimé de nos républiques actuelles et tant défendu par les médias. Ce bipartisme d’opérette qui nous demandait de choisir entre les deux faces d’une même pièce, deux partis censés être opposés mais tous les deux soumis au joug du capitalisme ultra-libéral et agissant de la même manière face aux injonctions patronales, et de la même manière, sourds aux besoins des plus en difficulté.

Le deuxième tremblement de terre causé par ces deux victoires simultanées, c’est le fait que ce soit un parti « populaire » au sens propre du mot qui ait été élu. Podemos est le prolongement institutionnel et politique du mouvement citoyen des Indignés, né en Espagne en 2008. Cette élection est encore plus historique que la victoire d’un parti de gauche radicale par exemple. C’est un vrai tournant de l’Histoire politique mondiale.

En Espagne, la révolution est en marche de manière encore plus intéressante qu’en Grèce car ce sont en majorité des citoyens (et non des politiciens aguerris) qui mènent ces nouveaux partis ! Espérons que cela portera ses fruits…

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Déjà, malgré les tentatives de déstabilisation de l’intelligentsia médiacratique, les ambitions des deux maires madrilène et barcelonaise détonnent et étonnent : Manuela Carmena et Ada Colau ne parlent pas à longueur de journée de croissance, d’argent, de J.O. et de circulation automobile. Non, pour ces deux femmes, la priorité est au logement des plus modestes, à l’exemplarité éthique de la mairie et de ses membres, à l’arrêt des privatisations à tout-va qui ne font qu’augmenter progressivement le coût de la vie, au retour à l’emploi…

A Madrid, les 5 mesures urgentes de Carmena

Pour ses 100 premiers jours de mandat, Manuela Carmena aimerait mettre à bien 5 mesures phares.

-Utiliser tous les moyens possibles pour empêcher les saisies immobilières et les expulsions et pour assurer un relogement efficace.

-Stopper la privatisation des services publics et l’externalisation des services municipaux aux sociétés d’intérêt privé.

-Garantir l’approvisionnement de base (électricité et eau) à tous les foyers qui ne peuvent pas se le permettre

-Garantir l’accès aux services de soin municipaux et assurer une prévention et une promotion de la santé pour tous, indépendamment de leur statut administratif (Espagnol ou non)

-Élaborer un plan d’urgence pour l’emploi des jeunes et celui des chômeurs de longue durée.

A plus long terme, Manuela Carmena et son parti ont de belles ambitions : faire un audit sur la dette publique (coucou la Grèce) quitte à la supprimer, faire en sorte que la mairie récupère les contrats pour la collecte des ordures et le nettoyage des rues, mettre un frein aux grands projets urbains, augmenter les impôts des grandes entreprises, faire payer l’impôt foncier aux Églises, rendre les écoles municipales publiques et gratuites, baisser le prix des transports publics, créer une banque publique « municipale-régionale » pour aider au financement de projets sociaux et coopératifs, organiser un audit citoyen sur l’eau…

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A Barcelone, les 4 axes privilégiés par Colau

Ada Colau a présenté un programme d’action détaillé pour la capitale de la Catalogne. Le voici, dans les grandes lignes et réparti en 4 axes principaux.

Droits Sociaux : empêcher les expulsions des personnes sans garanties de logement, garantir le droit à l’alimentation des enfants et adolescents, garantir l’accès à l’eau, au gaz et à l’électricité, garantir l’accès aux soins pour tous (Espagnols ou non), baisser le prix des transports, mettre en place une Rente municipale complémentaire (on parle d’un minimum de 600 euros toutes aides cumulées).

Privatisations : moratoires sur les projets d’ouverture d’hôtels et d’appartements touristiques, sur les projets privés d’envergure (pistes de ski ou parc d’attraction) et les projets d’extensions de zones commerciales et de privatisations tant qu’il n’y aura pas un audit citoyen sur le tourisme (qui fait grimper les prix) et les problèmes de logement à Barcelone.

Privilèges : Réduction des salaires des employés de la mairie (le salaire de Ada Colau va passer de 12 000 à 2 200 euros mensuels !), réviser les subventions « inutiles » dans un contexte d’urgence sociale, multiplier les espaces participatifs pour faciliter et améliorer les expériences sociales existantes, appuyer les projets sociaux d’intérêt public/coopératif.

Emploi : Miser sur des secteurs à la fois porteurs socialement, économiquement et éthiquement comme la réhabilitation des logements existants, la prévention et la gestion durable des déchets, le soutien et le renforcement du tissu social et commercial de proximité, le renforcement des soins aux personnes âgées et aux enfants en bas-âge, la promotion de l’économie coopérative et sa mise à jour technologique…

Ces idées ne sont pas nouvelles mais elles sont humaines. C’est la logique même que d’essayer de mettre en place une politique sociale renforcée et intégrée dans un pays durement touché par une crise structurelle à laquelle ne sont pas étrangers les banksters et leurs amis du FMI et de l’Union Européenne.

Lire aussi : L’argent de la dette = l’argent des paradis fiscaux = révoltons-nous !

Tout n’est pas parfait mais…

Alors bien sûr, rien n’est jamais parfait chez un parti politique, tout anti radical et anti-libéral puisse-t-il être. A Madrid comme à Barcelone, Podemos a dû jouer des coudes et des alliances (avec le PS espagnol notamment) pour s’imposer, et cela l’empêchera à coup sûr de mener à bien tous ses projets pour les deux grandes villes.

On dit déjà que le parti citoyen a renoncé à l’idée d’un revenu de base universel (en même temps, c’est assez compréhensible car cela n’aurait aucun sens à l’échelle d’une ville, aussi grande soit-elle), a abandonné aussi l’idée de la retraite à 60 ans… Mais ces projets-là reprendrons – on l’espère – toute leur vigueur à l’occasion des élections législatives de décembre 2015 en Espagne. On peut aussi espérer que le parti Podemos, avec plus de liberté d’action, mettra fin à la fameuse Loi liberticide dite du Bâillon, ou « Ley Mordaza », évoquée ici :

Lire aussi : L’Espagne, bientôt une « démocratie » totalitaire ?

On espère aussi que si Podemos venait à s’imposer une nouvelle fois, le parti incarné par Pablo Iglesias viendrait se ranger aux côtés de la Grèce dans la lutte contre les injonctions économiques mortifères de la Troïka.

Avec ces deux mairies d’envergure, Podemos détient entre ses mains le pouvoir de prouver qu’il peut faire mieux que les autres. Que des citoyens intègres et politisés sont plus à même de mener une politique de justice sociale que les politiciens en costume gris, trop lobotomisés par les lobbies

En bonus : Parti Podemos : avantages et inconvénients de l’entrée en politique des Indignés espagnols

Amis espagnols, toute l’Europe vous regarde avec admiration et espoir !

 

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Sources : ccaa.elpais.com, europapress.es, francetvinfo.fr

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