L'Indigné du Canapé

Pourquoi chercher le bonheur ailleurs que dans la société néo-libérale occidentale ?

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Où sont les failles dans le modèle de société occidental ? Comment peut-on vouloir quitter sa famille, ses amis, son quartier, pour aller apprendre à faire la guerre sur une terre hostile ? Autrement dit : pourquoi y a-t-il des jeunes qui sont attirés par les sirènes d’un ailleurs, ailleurs parfois aussi terrible que la perspective mortifère de l’Etat Islamique ?

Y a-t-il des manques dans ce « système occidental » capitaliste ultra-libéral et consumériste dont on se gargarise tant ? La réponse est évidente : oui. Mais lesquelles ?

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Si vous souhaitez continuer à lire, sachez qu’il va falloir s’accrocher. L’exercice consiste à un démontage méthodique de tout ce qui fait de notre système capitaliste ultralibéral une prison, acceptable pour certains, intenable pour d’autres…

Dès votre naissance, vous êtes enregistré dans une base de donnée. Votre identité est validée, vous existez dans les institutions, les fichiers, c’est prouvé : vous allez devoir payer pour vivre.

Puis, vous allez grandir et devoir intégrer les valeurs de votre société : Hiérarchie, Obéissance, Travail, Mérite… à travers l’école et son modèle. On vous validera ou vous invalidera à l’aide de notes et d’appréciation. On notera autant votre capacité à absorber des connaissances (sans les remettre en question) que votre comportement : plus il sera docile, meilleur vous serez.

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Cette exigence sera aussi reproduite (trop souvent) au coeur de votre propre famille, transcendée par les impératifs de notre société de la concurrence..

Bien sûr, vous allez acquérir une culture en grandissant, mais elle sera prémâchée et orientée car son but ne sera pas de faire de vous une personne critique, réfléchie, qui peut changer le monde, mais une valeur sûre dans ce monde-ci, le monde du travail, de la concurrence et de la consommation, un monde qu’on voudrait immuable et éternellement tourné vers la croissance.

Avec l’âge, vous allez apprendre d’autres valeurs sacro-saintes de votre société : Argent, État, Nation, Capitalisme, Libéralisme… Elles viendront prolonger celles que vous avez apprises avant. Mais ne remettent toujours rien en question. Vous ressentez peut-être au fond de vous une désapprobation pour l’amour du drapeau, ou de l’hymne, ou de cette idée de frontières, mais comment le conceptualiser ? Ces valeurs semblent éternelles, immuables, « normales ». Dans ce système, vous n’avez retenu qu’une seule leçon à retenir : « Ce qui est » est « ce qui sera ». Et cela vous effraie, vous vous sentez piégé.

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Désormais adulte, vous devez travailler pour vivre. Vous n’avez pas le choix. Autrement, vous êtes un rebut de la société, un parasite. Sans argent, vous n’êtes rien. Sauf que tout le monde ou presque manque d’argent autour de vous, bizarrement. Du coup, il y a deux catégories de personnes : les riens qui vivent sans plus, et les moins que rien qui survivent.

Il y a ceux qui entrent dans les cases et qui s’en sortent et les autres. La possibilité de réellement changer le quotidien ne semble donnée à personne.

Il y a les personnes (de sexe masculin le plus souvent) intégrées, parce que de bonne condition familiale, parce que blanches, hétéro, de droite ou de gauche mais pas extrêmes, bien coiffés, qui passent partout et trouvent même l’ascenseur pour grimper les échelons sociaux. Ils ont un certain confort matériel et leur prison semble plutôt agréable. Même s’ils travaillent toujours pour avoir le droit de vivre et qu’il leur est interdit de vivre un autre destin.

Et il y a les autres : les filles et fils de travailleurs précaires, les enfants d’une immigration proche ou lointaine, les femmes, les homos, les handicapés, ceux qui, dès l’école, ont été pointés du doigt comme les maillons faibles. Ceux qui n’écoutent pas la bonne musique, ne s’habillent pas de la même façon que les autres, ou essaient de réfléchir différemment.

Vous en êtes, comme la majorité, même si vous tentez de vous conformer aux canons de votre époque. Normal, la machine économique tourne et vous ne voudriez pas en être exclu.

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Vous commencez à comprendre que dans cette société, vous devez payer (c’est acté, personne n’y échappe ni le remet en question) mais en plus, vous n’êtes même pas sûr de survivre.

Mais alors, pourquoi la tolérez-vous, cette société ?

Non, vous ne la tolérez pas, vous la rejetez de toutes vos forces. Mais mal, maladroitement, car vous ne comprenez pas ce qui ne va pas. On ne vous a jamais appris à penser par vous-même, à penser autrement que par le prisme de cette société-là. Alors, vous vous trompez d’ennemi.

Et c’est là que l’identité, qu’on vous a collé dessus dès votre naissance, refait surface.

Puisque vous ne savez pas qui est l’ennemi (y en a-t-il un, deux, plusieurs, mille, des millions ?), vous vous attelez à méthodiquement créer un « nous » et un « eux ». Eux, ce sont « ceux qui », ce sont les Blancs, les Noirs les riches, les plus pauvres que vous, les homos, les Roms, ceux qui ne croient pas à la même chose que vous, les boloss trop bien intégrés, les boloss pas assez intégrés. Ceux qui se battent contre ce système pour obtenir un peu plus, ceux qui ont déjà baissé les bras depuis longtemps, les écolos et les fachos. Vous ne savez plus vraiment qui sont les ennemis, en fait. Du coup, vous cherchez des soutiens chez ceux qui vous comprennent (et vous ressemblent) et vous repoussez les « autres » un peu plus loin de vous.

Vous vous enfermez dans vos petits déterminismes, vous renforcez cette identité qu’ils vous ont collé. Alors qu’à la base, vous vouliez lutter contre elle, vous vouliez l’effacer pour pouvoir vivre simplement, comme un homme, comme tout homme devrait le faire, libre.

Libre, vous cherchez à l’être mais vous ne l’êtes pas. Vous ne l’avez jamais été. Rétrospectivement, quand vous regardez les choix que vous avez eu dans votre vie, vous vous rendez compte qu’ils vous ont toujours été donnés dans un cadre fermé et rigide. Alors vient le temps des palliatifs.Vous fumez ou buvez, pour oublier, vous écoutez sans cesse de la musique, pour vous distraire, vous consommez des tonnes de médicaments, pour supporter, vous vous abrutissez des heures devant la télé, des séries ou des jeux vidéo, pour ne pas y penser.

Dieu est-il plutôt une bouteille de vodka ou un jeu de guerre sur Playstation 3 ?

Toujours est-il que quand les sirènes d’un ailleurs résonnent, vous succombez. Vous vous dites qu’enfin, quelqu’un a la parade à cet enfer. Quelqu’un sait comment échapper à ce destin injuste. Et c’est tout ce dont vous rêvez.

Ce portrait est fictif. Il pourrait dépeindre n’importe quelle personne désorientée qui déciderait de quitter notre cher « modèle » occidental pour rejoindre les rangs de l’EI, mais aussi pour s’engager dans l’armée israélienne, pour s’expatrier en Asie ou en Amérique du Sud ou encore pour rejoindre une ZAD ou construire son utopie là où le capitalisme destructeur n’est pas encore triomphant. Les immigrés aussi, qui quittent leur pays, femme et enfants pour tenter de survivre un peu mieux sont dans cette logique, sans savoir dans quel piégé ils tombent.

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La démonstration avait juste pour objet de montrer que oui, l’Occident a beaucoup de failles. La jeune génération ne se reconnait pas dans cette vie de bétail et sans arrêt elle râle, sur tel ou tel détail, même si seule, sans recherche ni aide, elle n’a souvent pas les outils pour voir la problématique générale.

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Tant que l’Occident et ses dirigeants ne remettront pas en question le modèle neo-libéral et néo-colonialiste qui lui permet de maintenir (pour encore quelques temps) son mythe de la croissance, et plus il créera des mécontents, des marginaux qui, selon leur déterminisme et le hasard de leurs vies, pourront se transformer en ennemis pour ne plus être des victimes.

On peut aussi se dire que la fuite n’est pas la solution. Que la résistance – et les exemples sont légions, mais fragmentés – se fait dans l’ici et dans le maintenant. Qu’est-ce qu’on attend pour changer ?

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