L’être humain est un animal parmi d’autres, le maillon dans une grande chaîne de concurrence mais aussi d’entraide qui garantit un équilibre naturel exquis, à la fois puissant et fragile. Sauf que l’être humain est aussi le premier animal à avoir considéré que la nature devait être pour lui un outil, une chose, et qu’il avait le droit de l’utiliser comme il en avait envie, quitte à l’épuiser, quitter à tuer, quitte à tout détruire.
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Et c’est ainsi, à travers notamment le courant des Lumières plaçant l’individu intelligent au centre de l’univers, la Révolution française plaçant le droit de propriété au-dessus de tous les autres droits, et le capitalisme industriel qui a lancé un mouvement mondial d’accaparement des terres (dont l’esclavage et la colonisation sont les fils) qu’on a défoncé notre belle planète et qu’on a réduit en esclavage des millions de personnes.
En Occident déjà, l’industrialisation n’a pas été une partie de plaisir, surtout à ses débuts où les journées de labeur pouvaient faire 12-14h pour un salaire de misère ; où les enfants travaillaient aussi, le tout dans des conditions sanitaires et de subsistance inacceptables. Mais également très vite dans ce que l’on a appelé le Tiers-Monde, bien vite réduit à une zone d’esclavage facile et utile, justifiée par des théories abjectes comme le darwinisme social.
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Mais si ce capitalisme grossier et sauvage a permis d’enrichir grassement quelques familles et n’a apporté la hausse du niveau de vie occidental qu’au prix de nombreuses luttes extrêmement violentes – il ne faut pas croire que le droit de grève, la journée de 8h, la sécurité sociale, la médecine du travail, etc. ont été « donnés », tout a été obtenu via un combat de classes, notamment suite à la création du courant politique socialiste, réunissant anarchistes et communistes, et les débuts du syndicalisme -, il ne l’a fait qu’au prix de la destruction du le lien social et l’anéantissement sans condition de la nature qui nous fait vivre.
C’est ce qui fait dire à Paul Ehrlich, professeur de l’étude des populations que « sans aucun doute, nous entrons actuellement dans la sixième grande extinction de masse. Nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. »
La sixième extinction de masse a déjà commencé
En effet, on ne compte plus le nombre d’espèces vivantes qui meurent depuis quelques décennies, et le rythme de leur disparition ne fait que de s’accélérer (x20 depuis 1900). On pensait que grâce à la modernité, tout s’améliorerait. Qu’on trouverait toujours un moyen de rattraper les choses. C’est le contraire.
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, « le ratio d’espèces en voie de disparition n’a pas été aussi élevé depuis 65 millions d’années, entre 15 à 100 fois supérieur à ce qu’il devrait être. Ce serait en l’occurrence 41 % des espèces d’amphibiens, 25 % des espèces de mammifères et 13% des espèces d’oiseaux qui seraient menacées. » C’est ce que l’on désigne comme « La sixième extinction de masse ».
Et même si vous n’êtes pas un grand magnanime, même si vous vous en fichez totalement des abeilles, des lynx, des ours polaires et de la banquise ou encore de telle ou telle espèce de poissons ou de bactéries, pensez aux animaux au moins pour votre famille et vos enfants. Eh oui, comme l’avait déjà dit Einstein il y a plus de 50 ans, la disparition des abeilles (par exemple) entrainerait sûrement la disparition de l’Homme, quelques années plus tard (certes, Einstein avait oublié qu’il existait d’autres espèces de pollinisateurs, mais la démonstration fonctionne malgré tout).
Du coup, le fait que la population de 50% des vertébrés de notre planète décline DOIT vous indigner. Et savoir que c’est le défrichement des terres, l’introduction d’espèces invasives, les émissions de dioxyde de carbone, les toxines et autres pesticides qui causent leur perte (et bientôt la nôtre) DOIT vous pousser à agir.
Et pas simplement à voter à gauche plutôt qu’à droite, mais à vraiment vous demander comment on peut changer les choses.
Qu’on soit bien clair : Trump est certainement une catastrophe du point de vue social, il l’est également au niveau économique et écologique, mais que dire de sa concurrence ? Une Hillary n’aurait rien « amélioré » du point de vue anthropologique à notre inexorable et – de plus en plus – rapide destruction. Et la gauche dite alternative a beau promouvoir de belles idées et de beaux projets, on comprend son vrai intérêt lorsqu’on voit un Bernie Sanders appeler à voter Clinton, ou un Mélenchon appeler à voter Hollande. Ils servent une cause plus grande qu’eux, et sont des pantins malgré eux.
Ne pas remettre en question le capitalisme, le mythe de la croissance et du développement matériel, et à une plus grande échelle, la notion de « civilisation » (la nôtre, l’industrielle, la destructrice), c’est sans hésitation comparable au fait de foncer dans un mur.
Sur le mythe du « développement durable »
Demain, l’avenir écologique se fera nécessairement (d’un point de vue économique) sur le thème de la décroissance économique, ou de l’acroissance économique. Il y a peut-être des termes meilleurs, qui sonnent moins négatifs, mais le fait est là : la croissance exponentielle infinie est un mythe et ne peut pas exister, du moins sur Terre. C’est un fait scientifique, physique, quantifiable. On ne pourra pas extraire 100 milliards de tonnes de pétrole quand il n’en restera que 10 milliards. On ne pourra plus pêcher 10 milliards de tonnes de poissons par an quand il n’y en aura plus que 10 milliards. Et ainsi de suite.
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Oui, la Terre se régénère, mais a un rythme plus lent que celui auquel on la pille. Alors, il faut envisager d’autres moyens de vivre et de consommer. Et cela, aucun politicien, même de la gauche radicale, même écologiste, n’ose le soutenir réellement. Tous tournent autour du pot, trop affolés à l’idée de perdre une part d’électeurs, et donc une part de « pouvoir » ! Tant qu’on restera dans une logique de « développement contrôlé et respectueux », on restera dans l’impasse.
Le terme « développement durable » est un oxymore, un contresens, et même un mensonge. Ecoutez les mots de Derrick Jensen, activiste et écrivain écologique américain :
Le « développement durable » est une prétention à la vertu. Le mot « développement » utilisé dans ce sens est un mensonge.
Le mot « développer » signifie « croître », « progresser », « devenir plus complet, plus avancé ». Parmi ses synonymes, on trouve « évolution, déroulement, maturation, maturité », et parmi ses antonymes « détérioration, désintégration ». En voici un exemple d’usage concret tiré d’un dictionnaire : « Le théâtre a atteint l’apogée de son développement avec les pièces de Shakespeare ».
Mais voilà le problème: un enfant se développe et devient un adulte, une chenille se développe et devient un papillon, un cours d’eau endommagé par (disons) l’extraction minière pourrait, avec le temps, se redévelopper et redevenir un cours d’eau sain ; mais une prairie ne se « »développe » pas en maisons en forme de boîtes, une baie ne se « développe » pas en port industriel, une forêt ne se « développe » pas en routes et clairières.
En réalité, la prairie est détruite pour produire ce « développement ». La baie est détruite, afin que le « développement » y implante un port industriel. La forêt est détruite lorsque les « ressources naturelles » sont « développées ».
Le mot « tuer » fonctionne aussi bien.
La vraie question à se poser est bien celle-ci donc : peut-on continuer à vivre dans nos sociétés hyper industrialisées, hyper hiérarchisées, hyper concurrentielles, hyper consommatrices, hyper destructrices, ou est-ce la fin d’une époque, la fin d’une civilisation ?
Nature et civilisation en opposition
Encore une fois, Derrick Jensen nous apporte des clés pour tenter de répondre. Voici un extrait de ses 20 prémisses pour répondre à la question « Quel est le problème avec la civilisation ? ». Ces deux prémisses résument à la perfection le côté caduc du monde « civilisé » (ultra industriel, destructeur, violent et inégal) et les possibilités de son effondrement :
Désormais, il faut ouvrir les yeux.
Aucun politicien actuel n’a pour ambition de changer le système économique dans lequel on évolue. Aucun ne pose la question de la civilisation industrielle et de son passif mortifère, aucun ne remet en cause le principe de croissance. Bilan : aucun ne fera rien contre la 6e extinction de masse, qu’il s’appelle Trump ou Hillary, qu’il s’appelle Le Pen ou Valls, qu’il se dise de gauche ou de droite, écolo ou non.
Et ça, c’est quand même bien la preuve que les politiciens sont noyés dans leur petite popularité et leur recherche de pouvoir et qu’ils ont perdu tout sens politique, social, humain. L’Histoire ne le dira que dans plusieurs siècles, quand il y aura prescription, sans doute…
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Sources : Le Partage, Le Monde Diplo, Le Monde
Merci pour vos articles ! et la découverte de Derrick Jensen. Sur la question de la 6ème extinction, petit commentaire sous forme de dessins « La robe de Médée » : https://1011-art.blogspot.com/p/la-robe-de-medee.html ainsi que « Vous êtes ici » : https://1011-art.blogspot.com/p/vous-etes-ici.html
Séries pour le Muséum de Genève pour l’exposition « tout contre la Terre ».
Des crayons de couleur face à l’extinction à venir ? …. J’ai moi même des doutes !
[…] On débat sur des produits cancérigènes pendant des mois et des mois (ça brasse tellement) au lieu de les interdire directement, pendant que des centaines d’espèces disparaissent sous nos yeux […]
Ce problème crucial ne peut être traité au niveau national mais seulement supranational. Les nations qui se developpent depuis peu acceptent mal un dictat des nations déjà développées qui salopent l’environnement et nuisent à la biodiversité depuis si longtemps. La Cop21 était une première tentative de gouvernement écologique mondial. Il faut aller en ce sens. Ce problème crucial va bien au delà des enjeux d’une simple election presidentielle ne concernant que 1% des habitants de cette planète.
Bonjour. C’est très bien que cet article ne vous satisfasse pas, le contraire m’aurait déçu. Il y a de quoi être pessimiste et insatisfait en lisant cet article, je vous l’accorde.
Pour vous répondre :
Je me sens bien plus proche d’un Mélenchon que des autres candidats actuels (bien que je ne défende pas ce vote, qui protège ces institutions élitistes, mais passons).
Je dis juste que : Mélenchon est dans une impasse idéologique. Il semble sincère dans son socialisme (édulcoré) et dans son écologisme (opportuniste, car permettant de générer de l’emploi).
Mais il continue à parler de croissance ( selon une logique d’économie de marché), ce qui est totalement incompatible avec la vraie écologie.
L’industrialisation de masse (la société de marché, ou la société de consommation) est la seule organisation sociale qui ait organisé la destruction de la nature ET DES HOMMES de manière aussi systématique et scientifique. Il faut démystifier notre cerveau.
Comme je le dis souvent, au commencement était le cri : le cri, le « non » du refus, est le premier pas vers le oui de tous les possibles !
De nature je ne suis pas pessimiste. Mais il faut accepter de voir d’où l’on part pour savoir où l’on va !
PS : Demain est très édulcoré. Je vous invite moi à lire « Les sentiers de l’utopie », c’est plus intéressant :
>> http://www.indigne-du-canape.com/se-laisser-entrainer-sur-les-sentiers-de-lutopie/
Dignement.
L’ I
Je ne suis pas d’accord, et j’aimerai que vous lisiez le programme de JL Melanchon, je pensais qu’il etait opportuniste mais sans vraiment allez sur son site et lire son programme, j’ai été agréablement surprise, son programme est clair, il est entouré et si vous regardez ses vidéos vous remarquerez qu’il connait son programme, en bref il a bossé et je ne vois pas d’autre candidats aussi précis, comme quoi critiquer sans savoir exactement ce que cet homme faisait n’etait pass une bonne chose, j’avoue que son coté agressif m’ennuie, il devrait apprendre la communication non violente mais je pense que cela plait à pas mal de gens son coté grande gueule. Cet article ne me satisfait pas, il est juste pessimiste et ne propose rien, on le sait que tout va mal? Allez regarder le film Demain, cela vous fera du bien 🙂 .