L'Indigné du Canapé

Kropotkine, aide-nous : ils ne veulent pas de L’Entraide !

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Pierre Kropotkine est un penseur dont les idées sont plus modernes que celles d’un Zemmour alors qu’il écrivait il y a plus de cent ans. Il est ce que l’on appelle un théoricien de l’anarchie. Il a tenté de réfléchir hors des limites du système dans lequel il vivait pour penser une société idéale.

C’est ainsi qu’il s’est opposé à la grande théorie de son époque – le darwinisme social – et proposé un bel ouvrage : L’entraide.

Tout comme Darwin, il était naturaliste, c’est-à-dire qu’il aimait observer différentes organisations sociales animales afin de « prouver » la rationalité ou au contraire le côté « naturel » et immuable de certains comportements humains.

Darwin, suite à son observation du monde animal, en avait conclu que l’évolution se faisait surtout  – mais pas seulement – à travers la compétition, ouvrant ainsi la porte aux esprits les plus vils se disant : « Les mieux adaptés grimperont les échelons. Les autres mourront, c’est la vie, la sélection naturelle. » C’est un peu ce qui a permis à notre société contemporaine de devenir ce qu’elle est, avec de la concurrence à tous les étages, de l’école à la retraite, à la poursuite d’une chimère : la croissance infinie dans un système fini !

Darwin l’a observé avec des nuances dans le monde animal, mais d’autres en ont fait une théorie sociale d’une dure violence. Heureusement, Kropotkine a fait lui aussi un excellent travail qui vient compléter voire supplanter celui de Darwin. Mais comme sa théorie n’est pas utile à l’ultra-libéralisme de notre société, il est très peu connu.

Observant lui aussi le comportement social des animaux (et avec plus d’attention que Darwin, selon ses propres dires), Pierre Kropotkine se rend compte que la solidarité a été au moins aussi essentielle que la concurrence dans l’évolution des espèces. Il cite notamment les fourmis et les abeilles, qui ont certainement les systèmes d’organisation les plus élaborés de tout le monde animal. Il démontre aussi que les espèces animales qui s’entraident vivent mieux et plus longtemps, avec plus de nourriture, plus de protection contre leurs ennemis… Et que parfois, même entre espèces différentes, des formes de solidarités naissent afin de lutter contre d’autres facteurs.

« Dans le monde animal nous avons vu que la grande majorité des espèces vivent en société et qu’elles trouvent dans l’association leurs meilleures armes dans la lutte pour la survie : bien entendu et dans un sens largement darwinien, il ne s’agit pas simplement d’une lutte pour s’assurer des moyens de subsistance, mais d’une lutte contre les conditions naturelles défavorables aux espèces. Les espèces animales au sein desquelles la lutte individuelle a été réduite au minimum et où la pratique de l’aide mutuelle a atteint son plus grand développement sont invariablement plus nombreuses, plus prospères et les plus ouvertes au progrès. La protection mutuelle obtenue dans ce cas, la possibilité d’atteindre un âge d’or et d’accumuler de l’expérience, le plus haut développement intellectuel et l’évolution positive des habitudes sociales, assurent le maintien des espèces, leur extension et leur évolution future. Les espèces asociales, au contraire, sont condamnées à s’éteindre. »
— Pierre Kropotkine. L’Entraide, un facteur de l’évolution (1902), Conclusion.

Kropotkine est un observateur. Son ouvrage est écrit avec soin et qualité, et la plupart des observations animales qu’il dresse, nous pouvons tous les faire en nous exilant quelques mois ou années dans la nature profonde. Son travail nous fournit également un intéressant descriptif de l’entraide dans l’histoire des hommes.

Sorte de nouvel anthropologue en avance sur son temps, Pierre Kropotkine n’en oublie pas de faire quelques erreurs et conclusions hâtives (il faut remettre son ouvrage dans son époque), mais il arrive à prouver une chose : oui, l’entraide est un incroyable facteur d’évolution.

Alors non, le capitalisme dans lequel nous vivons aujourd’hui n’est pas propice à nous libérer, à nous exalter, à nous épanouir. L’exemple de l’école est marquant : elle nous pousse aujourd’hui à la compétition, mais imaginez une école qui nous pousse à l’entraide. Vous imaginez quels changements majeurs cela pourrait avoir sur la société future !

Ces dernières années, le travail de Kropotkine commence à émerger, uniquement parce que la crise structurelle et inévitable que l’on vit oblige le capitalisme à chercher des solutions viables.

Par exemple, dans un livre intitulé Vive la co-révolution (livre plus réformiste que révolutionnaire, n’en déplaise au titre), l’auteure distingue différents moyens de concilier compétition et coopération au sein de notre société, afin de mettre en place des garde-fous au système et de l’empêcher de nous mener à un ordre totalitaire trop vite (bon, j’exagère, mais à peine !).

La vérité, et elle semble aujourd’hui bien évidente, c’est que l’évolution s’explique tout autant par l’entraide que par la sélection naturelle. Mais que l’homme, doué de raison, devrait opter pour l’entraide puisqu’il en est capable, plutôt que pour un système d’élimination où l’on accepte des élites de plus en plus puissantes et corrompues, mais aussi des hommes qui vivent dans des conditions extrêmement désastreuses et honteuses alors que tout existe pour les sortir de leur situation.

Preuve qu’on peut être né au 19e siècle et être bien trop en avance sur son temps. Kropotkine mériterait aujourd’hui bien plus de lumière qu’un Zemmour, qu’en pensez-vous ?

Totalitarisme ou droits des hommes ? L’évolution humaine attend un sursaut d’orgueil de ses membres, plus de cent ans après les écrits d’un Pierre Kropotkine. Qui commence ?

 

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